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INDIGNATION A NAZARETH
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Le mauvais accueil que Jésus a reçu dans son propre village de Nazareth lors de la première visite qu'il lli rendit en commençant sa vie publique (Lc.43, 16-30), s'explique de plusieurs manières.
Très probablement de par une animosité antérieure comme nous avons essayé de le montrer dans l'article précédent (la question de son célibat...) Probablement aussi par une espérance déçue : " Tu fais des miracles ailleurs et tu te refuses à en faire ici ", encore qu'il ne faille pas aller trop loin dans cette ligne puisque de fait " il guérit en l'occasion quelques infirmes en leur imposant les mains " (Mc 6,5). Il n'aurait bien réalisé qu'un seul prodige de ce type que cela aurait dû transporter autant les foules environnantes qu'un miracle public à Lourdes aujourd'hui... Il doit donc y avoir autre chose, encore autre chose.
Et quoi donc ? Les évangiles qui rapportent l'anecdote évoquent soit " le manque de foi. " (Mc 6,6), soit la stupéfaction (Mc 6,2 ; Luc 4,22), stupéfaction admirative pour d'aucuns, irritée pour d'autres car ils se disaient: " N'est-ce pas là le charpentier, le fils de Marie, le frère de Jacques, de Joset, de Jude et de Simon ? Et ses sœurs ne sont-elles pas chez nous ? " Et surtout: " D'où cela lui vient-il ? Et qu'est-ce que cette sagesse qui lui a été donnée et ces grands miracles qui se font par ses mains ? " (Mc.6,2-3). Avec la réflexion finale de l'évangéliste: " Et ils étaient choqués à son sujet. "
" Choqués " de quoi et pourquoi ? Choqués de ne découvrir qu'à présent ses qualités, talents, pouvoirs. Ou plutôt " choqués " et du coup irrités, que lui, les ait tenus cachés pendant tant d'années, toutes ces années vécues parmi eux. Ainsi il avait joué un double jeu (1) , il ne leur avait pas fait confiance, il les avait privés des bénéfices pouvant, depuis longtemps, sortir de ses lèvres ou de ses mains, etc.
Je m'étonne moins après cela de leur coup de colère, jusqu'à vouloir le supprimer. Et plus du tout de la décision de Jésus de ne plus revenir (à ce qu'il semble, Mat. 4,12) à Nazareth. Il descendit à Capharnaüm (Lc 4-3 1) et en fit désormais son point de chute principal en Galilée, " sa " ville (Mt. 9,1), puisque " un prophète n'est méprisé que dans sa patrie et dans sa maison " (Mt. 13,57).
Et Joseph en tout cela ? Il est absent des textes, mort probablement à l'époque car si Jésus est appelé " fils de Joseph " dans Lc. 4,22, il n'est plus que " le charpentier " dans Mc 6,3, ce terme accolé à " fils de Marie " dans Mt. 13,55 et Mc. 6,3. Il est donc absent des textes mais pas des esprits, pas du souvenir, et si Jésus est accusé de cachotterie, son père ne saurait être exempt de complicité en cette affaire.
Joseph était mort mais Marie était là, elle. Son état d'âme devant " l'accueil " dramatique ? A vous de le deviner, en vous aidant encore de Mc 3,21 et 4,31 (il faut arrêter et Jésus qui a " perdu la tête "), épisode dans lequel elle jouait sans doute ou essayait de jouer un rôle de médiatrice. Tout ceci en vérité est tragique et annonce déjà la Passion. Si Jésus a provoqué de l'indignation parmi ses proches et ses amis, que ne suscitera-t-il pas en ses adversaires ?
" ( .. ) Continuant de dérouler la ligne Parole-Sagesse, Luc rapporte un épisode qui est la lointaine conclusion de l'esclandre de Nazareth (Lc 4,16-30): " La mère et les frères [de Jésus] veulent le trouver. Ils ne pouvaient arriver jusqu'à lui à cause de la foule. On le lui fit savoir: " Ta mère et tes frères sont là, dehors. Ils veulent te voir. " Mais lui leur répondit: " Ma Mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. " " Marc dit: " Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère. "
Ainsi la persécution familiale continue, de toutes les persécutions la plus obstinée. Luc, qui est un écrivain pudique, qui n'a pas osé nous dire explicitement que l'apôtre Matthieu avait été publicain, ni que Marie-Madeleine avait été " la pécheresse dans la cité ", ne veut pas cerner d'un trait trop dur cette scène. Mais les autres Evangélistes sont moins discrets. Jean nous dit: " Ses frères eux-mêmes ne croyaient pas en lui. " Et Marc, qui n'y va pas par quatre chemins, écrit crûment: " Les siens partirent pour s'emparer de lui car ils disaient : " Il est fou à lier. " " Charmante famille ! Ce que la famille de Jésus voulait pour lui était pire que la croix, c'était le cabanon. Après tout, cette famille en valait bien d'autres ni plus ni moins. Mais il est quand même d'une signification étonnante que ce soit la parenté la plus proche qui ait osé dire de Jésus qu'il était " fou à lier ", lui qui " était la Sagesse en personne. Du moins le balancement continue: Miracles et Scandale,
Parole-Sagesse et Folie.
Et Marie, la mère de Jésus, pourquoi était-elle dans cette bande ? Comme toutes les bonnes mères dans les conflits de ce genre, elle servait d'otage, elle inaugurait ses fonctions de médiatrice et d'avocate, dans une querelle familiale atroce, où étaient engagés l'honneur et la mission de son fils. Il est à remarquer qu'au moment du procès et de l'exécution Jésus, sauf une sœur de sa mère, et sa mère elle-même, toute cette bruyante parenté avait disparu. Ils devaient être dans leurs maisons, hochant la tête gravement, se communiquant la certitude d'avoir eu raison et se disant que c'est bien ainsi que tout cela devait finir. Voilà les familles. " (L'histoire de Jêsus-Christ par le P. Bruckberger.)
Note:(1) J'introduis ici, à titre de confirmation ou d'illustration, le mauvais effet qui me fit la confidence d'un ami : il s'est soudain déclaré franc-maçon, mais cela après dix ans de relations conviviales durant lesquelles il ne m'avait rien laisse soupçonner de sa condition.
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A la découverte d'un prince discret (P. Francis VOLLE C.P.C.R.)
Editions Joyeuse Lumière, 21 bis rue Dareau, 75014 Paris, Tel. 01 45 81 08 73
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