page d'accueil     SAINT JOSEPH OUVRIER Saint Joseph artisan, c'est sous ce nom que nous l'invoquerons aujourd'hui. Artisan, ouvrier, travailleur manuel, c'est tout comme. En tout cas c'était tout comme à l'époque où vivait notre saint, époque d'une spécialisation bien inférieure à la nôtre, saint Joseph était l'ouvrier du village, celui qui fait sans doute un peu de tout: un peu de temps à l'atelier, un peu de temps au jardin, un peu de temps à bricoler chose et autre ; pour soi et pour les voisins, car il faut savoir se suffire et tirer d'embarras le village. SAINT JOSEPH N'A PAS CONNU LA VIE D'USINE Mais évoquer ces temps anciens n'est-ce pas diminuer l'intérêt que présente notre modèle? Qu'avons-nous à voir avec un homme de cette lointaine " Nazareth " avec ses conditions de vie propres à un pays oriental, aucunement industrialisé, absolument étranger à la fièvre d'activité qui nous est imposée aujourd'hui? Saint Joseph n'a pas su ce qu'étaient une usine ou un atelier moderne, avec le bruit et le danger de ses scies électriques ou de ses marteaux-pilons, les sirènes, le pointage, le SMIG, la cantine, les syndicats etc. ... IL EST POURTANT UN MODE LE POUR LES TRAVAILLEURS D'AUJOURD'HUI C'est d'accord. Il y a décalage entre son travail et le nôtre, mais pas sur tous les points, et pas sur le principal. Du moins il ne doit pas y avoir décalage sur ce principal. Car je vous prie de remarquer que les objections que vous feriez à Saint Joseph sur ce terrain pour récuser sa portée de modèle, vaudraient aussi contre le Christ. Et cela n'est pas. Jésus vient pour tous les hommes, de tous les temps, encore qu'il faille discerner le message universel dans le revêtement occasionnel qu'il a pris. Jésus s'est incarné en un pays et en un temps, mais, sous un mode d'être propre à ce pays et à ce temps, il y a un esprit que tous les hommes doivent découvrir, adopter, assimiler. Eh bien, dites pareillement pour saint Joseph. Comprenez que c'est lui qui a donné au Christ le cadre de sa propre vie. Si Jésus a vécu pauvre, soumis au travail manuel, c'est parce qu'il est né dans une famille dont le chef était un homme pauvre, un besogneux... Et ainsi, sous des conditions de vie très élo ignées des nôtres, saint Joseph possède un esprit qui le fait un modèle extrêmement élevé et pourtant universel pour les chrétiens, pour les travailleurs chrétiens, pour tous les travailleurs même. UN ETAT D'ESPRIT DANS LE TRAVAIL Cet esprit est fait de bien des vertus: compétence, souci du travail soigné, honnêteté dans les affaires, civisme ; dimension religieuse... (vous savez que le travail a ou peut prendre valeur de pénitence, de maîtrise de soi de collaboration avec Dieu pour parfaire le monde, d'acte de solidarité et de charité vis à vis du prochain etc. ...) JOSEPH MAITRE DE SON TRAVAIL Parmi ces vertus ou dispositions d'esprit, laissez-moi en souligner une, dont la portée est vraiment universelle et d'une actualité frappante : saint Joseph était le maître de son travail et non son esclave; par-là il était son bénéficiaire et non sa victime. Car on peut être une chose ou l'autre, vous le savez, pour le travail comme pour l'argent, l'honneur, la puissance... On peut travailler de telle façon qu'on se laisse prendre, absorber, manger par son activité, sans plus savoir pour qui ni pour quoi on travaille, sans pouvoir ni même vouloir s'en dégager, pris dans un engrenage et finalement broyé et " chosifié ", si j'ose dire, par lui... Saint Joseph était, au contraire, le maître de son travail soit pour le commencer soit pour le finir, mais surtout pour l'ordonner, pour le spiritualiser. Cela est requis par sa sainteté, par la notion même de sainteté. Car l'activité humaine n'est pas un but, elle n'est qu'un moyen. On en use " autant que ". " pas plus que ", " pas autrement que "... que cela sert notre vocation d'homme (et en ultime terme la gloire de Dieu) dans notre salut et celui du prochain. Saint Joseph dominait et ainsi ennoblissait son travail et s'ennoblissait par lui... En fils de Roi qu'il était déjà, mais bien plus comme fils de Dieu que comme descendant de David... Oui, chantons l'âme royale de Joseph ! CAR LE TRAVAIL N'EST QU'UN MOYEN Ne croyez-vous pas que cet enseignement et le modèle présenté soient actuels? Vous savez bien par expérience, et moi comme vous, que le péril d'être dominés par notre travail nous menace tous, surtout quand il est très pénible ou au contraire quand il est très attachant, très lucratif, très astreignant (il faut absolument obtenir un grand rendement.) On en vient alors à oublier ses devoirs et ses intérêts les plus sacrés et cela tant vis à vis du prochain que vis à vis de soi-même. Ceci est d'autant plus vrai en notre temps que le travail, le travail manuel, y soit plus en honneur qu'en d'autres: témoin la visite du Saint Père à l'Office International du Travail à Genève. C'est là d'ailleurs un progrès dont il faut nous réjouir. Nous sommes loin du dédain d'autrefois pour ceux qui maniaient la faucille et le marteau, encore qu'il ne faille pas tomber à présent dans l'adoration de ces instruments... IL NE DOIT PAS NOUS ENGLOUTIR On peut se laisser absorber par son travail disions-nous, au point d'en oublier des devoirs sacrés vis à vis du prochain... Combien d'épouses se plaignent d'être les victimes des activités professionnelles excessives de leur mari. " Le mien travaille beaucoup et apporte ainsi beaucoup d'argent à la maison, m'écrivait un jour une de ces femmes, mais lui, je ne le vois presque pas. Je me suis pourtant mariée avec lui et non avec ses sous. " Et combien d'enfants pourraient reprendre la plainte vis à vis de leur père. Allez vous étonner après cela des sottises des jeunes gens laissés à eux-mêmes, sans éducation, parce que leurs parents ont trop à faire pour s'en occuper... L'EGLISE CONTRIBUE A METTRE, LE TRAVAIL AU SERVICE DE L'HOMME On peut se laisser absorber par son travail au point d'oublier ses devoirs les plus sacrés vis à vis de soi-même, et ceci est encore plus fondamental. Je parlais en une certaine occasion à un maître imprimeur, l'invitant à prendre quelques jours de repos pour faire une retraite : " Pas le temps, me dit-il, mes machines ne peuvent s'arrêter. Beaucoup d'argent est investi là-dedans. Il faut le récupérer. " " Mais alors, fis-je, c'est vous que vos machines broient. " Mon interlocuteur était d'ailleurs assez d'accord et pestait contre ce qu'il appelait " les exigences des temps "... Avouez que s'exténuer de fatigue pour obtenir comme résultat d'être réduit à du papier journal ou à de la pâte à papier ce n'est pas très raisonnable, ni très glorieux... Léon XIII constatait déjà, dans sa grande encyclique sociale Rerum Novarum (1) que la matière sortait ennoblie de l'atelier tandis que l'ouvrier s'y dégradait. Il y a là quelque chose qui ne " tourne pas rond " parce que l'homme vaut mieux qu e ses œuvres ; bien mieux, ses œuvres ne sont honnêtes que si elles le perfectionnent. C'est ce que rappelle le Concile Vatican II (G. et S. n'35). " De même qu'elle procède de l'homme l'activité humaine lui est ordonnée. " Un travail qui dégrade l'homme ou même qui l'empêcherait de s'élever dans l'échelle des valeurs serait indigne de lui. On ne travaille pas pour travailler en s'usant tout simplement comme des robots. " Santé passe richesse", encore qu'il faille bien gagner sa vie. On ne travaille même pas seulement pour manger, comme les animaux. Car " âme passe corps ", encore qu'il faille bien soigner son corps, mais pas au point de s'abrutir. On travaille pour pouvoir mener une vie d'homme. Et cela va beaucoup plus loin que manger. On travaille pour pouvoir réaliser sa vocation personnelle et sociale et, en fin de compte, pour faire son salut en plénitude. Et ici on peut appliquer en l'adaptant le mot de l'Evangile : " Que sert à l'homme de travailler beaucoup s'il perd son âme? " CAR LE PREMIER TRAVAIL EST DE SAUVER SON AME, Et donc notre travail doit pouvoir servir pour la vie éternelle. Il n'est pas " sacrement " par lui-même mais il peut le devenir et il le doit. Il doit pouvoir être offert à Dieu, être présenté sur la patène avec l'hostie du prêtre, être élevé avec le Sacrifice Rédempteur du Christ... Et cela demande, bien sûr, que l'on y mette de l'âme, qu'on ait au moins l'idée de l'unir à celui du Seigneur, qu'on cultive en soi l'état de grâce qui donne valeur méritoire à ce qu'on fait d'honnête. Le travail est un " fils d'homme " et c'est déjà grand. Mais il faut encore le baptiser pour en faire un fils de Dieu (non pas un Dieu, une idole, mais un fils de Dieu, un saint) et lui donner ainsi à titre de chrétien, l'entrée au Paradis, la vie éternelle. Or tout cela n'est guère possible si l'on tombe dans l'engrenage du travail. Et d'abord si l'on vous y pousse, (je fais allusion aux conditions inhumaines d'une certaine économie du travail. Encore que des progrès énormes aient été réalisés en faveur de l'ouvrier sur ce terrain il reste ample matière à réforme, du moins en certains secteurs. je n'insiste pas ... ) si l'on vous pousse dans l'engrenage ou si vous vous laissez happer par lui... ce qui peut arriver par amour excessif du gain ou par inconscience, par goût naturel pour " la belle ouvrage ", ou comme un dérivatif à de grands soucis... NE PAS DEVENIR UNE " CHOSE " Pour s'en tirer il faut parfois s'imposer un temps d'arrêt, redresser sa tête avec son corps, purifier son intention, respirer une bouffée d'air surnaturel : afin, si l'on est agriculteur, de rester sur son tracteur et de ne pas tomber dans les blés, de ne pas tomber dans le pétrin si l'on est boulanger, dans les casseroles si l'on est cuisinière, de ne pas devenir porte-plume ou machine à calculer si l'on est comptable, phonographe si l'on est professeur... afin de ne pas devenir une " chose "! SE LIBERER Bien qu'ils ne dépassent pas l'ordre naturel, bienheureuses limitations du travail moderne et bienheureux congés payés pourvu qu'on les utilise bien ! Ils libèrent. Ils empêchent l'asservissement aux œuvres... Les paysans, il est vrai ne savent guère ce que c'est, mais qu'ils ne soient pas trop jaloux car ils ont le plus beau métier du monde. Leurs œuvres dites autrefois " serviles " par excellence sont en réalité les plus humanisantes qui soient. Ce sont eux qui sont enviables. Bienheureuses prières du matin et du soir qui assurent un minimum d'esprit surnaturel aux jours et aux nuits! Bienheureux repos du dimanche qui permet à l'homme : de réparer ses forces morales avec ses forces physiques, pour lui, pour les siens, pour la cité entière ! La loi du repos dominical, la plus féconde de toutes les lois sociales ! L'ESPRIT DE PRIERE DANS LE TRAVAIL Bienheureuses pratiques dites de surérogation qui permettent de tout transformer en prière. Nous ferons entrer parmi elles une journée de pèlerinage comme celle que vous vivez en ce moment, une bonne Retraite Spirituelle, et aussi l'habitude des oraisons jaculatoires au sein du travail. Bienheureuse habitude, celle-là! L'Eglise l'estime tellement qu'elle l'enrichit de précieuses indulgences. Je vais vous lire ce qu'en dit le recueil publié tout récemment après le Concile. L'Eglise est moins large qu'autrefois pour accorder des indulgences, eh bien pourtant écoutez : " L'Indulgence partielle est concédée au fidèle qui dans l'accomplissement de ses devoirs et dans le support des adversités de la vie, élève avec une humble confiance son esprit à Dieu, en y ajoutant, même si c'est simplement de façon mentale, une pieuse invocation. " Et comme commentaire: " Par cette première concession les fidèles sont guidés dans l'accomplissement du commandement du Seigneur : " Il faut toujours prier sans jamais se lasser ", et en même temps ils sont habilités à accomplir leurs propres devoirs de façon à conserver et accroître leur union au Christ. " Oui, bienheureux ceux qui font cela ! Ils ne seront jamais des " damnés de la terre ", même en travaillant beaucoup, mais des hommes " debout ", comme on dit aujourd'hui, montant à la verticale ! ... BIENHEUREUX, JOSEPH, QUI SE SANCTIFIA DANS LE TRAVAIL ET PAR LE TRAVAIL Et bienheureux saint Joseph qui vécut ainsi se sanctifia dans cette ligne, et qui devint par là un Maître excellent de vie chrétienne. Regardez-le, par l'esprit, durant votre travail, regardez-le réalisant le sien. Il vous apprendra plus de choses que je n'en saurais dire. Il en apprendrait aux ouvriers, il en apprendrait aux artisans, il en apprendrait aux patrons s'ils voulaient les uns et les autres lui lancer un coup d'œil ou diriger vers lui une prière. Il en apprendrait à tous, cet ouvrier, fils de roi; à son école, les ouvriers se feraient une âme de patron, je veux dire d'homme noble. Les patrons une âme d'ouvrier, je veux dire d'homme humble. Et ils se retrouveraient les uns et les autres dans une compréhension amicale et cela irait un peu mieux dans le monde du travail, et dans les classes sociales, et en haut et en bas, et dans le ménage et à la ferme et à l'école etc... Il nous apprendrait notamment, à tous, à accomplir nos œuvres et à nous ennoblir par elles en devenant nos maîtres et leurs maîtres ("Joséphier "... juste le contraire de " chosifier ", si vous me permettez ce jeu de mot trop facile.) Il nous apprendrait que la sainteté est à la portée de nos mains, sur les chemins de notre vie, offerte à tous comme le travail qui est loi commune, " sainteté démocratique ", sainteté de peuple, comme disait naguère le Cardinal Montini (l 3-11-60). Il nous apprendrait, tout simplement à vivre. Allex, ( Drôme) Journée de Pèlerinage dans un sanctuaire consacré à saint Joseph Note: (1) Certes tous ne sont pas également libres de choisir leur état de vie. C est pourquoi l'Eglise (au nom de Dieu) rappelle aux responsables qu'ils doivent organiser la vie économique au service de l'homme total, corps et âme. Les chrétiens ont donc le devoir de participer à l'assainissement du climat social et à l'organisation du travail A la découverte d'un prince discret (P. Francis VOLLE C.P.C.R.) Editions Joyeuse Lumière, 21 bis rue Dareau, 75014 Paris, Tel. 01 45 81 08 73