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LA PREMIÈRE TENTATION DU CHRIST (1)
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Je ne sais évidemment pas quelle fut la première tentation du Christ et si je donne ce titre à mon article c'est par évocation d'une " dernière tentation " bien plus imaginaire qui fit fureur et scandale. Mais il y eut tentation et, sans doute, bien tôt dans l'esprit de Jésus entendant rapporter ou écoutant lui-même les propos messianiques qui couraient dans le pays.
Essayons en effet, de comprendre les réactions de l'Enfant Divin devant une interprétation courante des prophéties le concernant. Par exemple si Monsieur le Rabbin, à la synagogue, parlait, comme d'autres en son temps, d'un Messie, venant on ne savait d'où, du ciel en tout cas, peut-être monté sur un cheval blanc, fauchant les ennemis de Dieu d'une épée tournoyante, favorisant les siens d'avantages temporels, assurant l'abondance matérielle pour Israël, etc. ...
Que pensait Jésus de tout cela? Souriait-il en lui-même? S'indignait-il ? S'attristait-il en pensant qu'on égarait ainsi le peuple, lui rendant difficile l'accueil du Messie, si différent, qui se présenterait à lui un jour ? Ne peut-on pas, sans forcer la note, imaginer en lui un mouvement, la tentation d'une démarche, pour mettre dans le vrai le prédicateur ou l'orateur ?
Je crois que oui vraiment. En tout cas un jour cela éclatera. Dans un enseignement adapté. Plus radicalement dans l'expulsion des vendeurs du Temple. Il s'agira alors d'une indignation se donnant libre cours après avoir été longtemps contenue. Contenue depuis les premières visites à Jérusalem et à ses commerces ? Contenue sûrement depuis bien plus longtemps, depuis toujours en lui...
Car l'enfant Jésus n'a rien dit à Monsieur le Rabbin. Il n'a pas corrigé l'enseignement erroné entendu çà et là. Ne voulant pas se dévoiler avant l'heure, il a dû même laisser croire qu'il admettait tout cela comme les autres. Tout au plus, à la maison, (et encore !) conversant avec ses parents, il a peut-être introduit les nuances qui s'imposaient ou montré son assentiment à celles qu'eux mêmes suggéraient tous les premiers...
Il est toujours mystérieux le monde des troubles d'un enfant, le monde de ses larmes notamment, comme le note Saint-Exupéry dans Le Petit Prince. Mais quand il s'agit de l'Enfant Dieu, combien le mystère s'épaissit. Qui dit troubles dit souffrance et en voilà bien une inattendue Nous ne la comprenons quelque peu qu'en évoquant l'émotion de celui qu'une obligation de discrétion rend indirectement complice d'une catastrophe. Dès que sa psychologie enfantine lui permet de comprendre les enjeux du plan de salut Jésus voit, impuissant pour le moment, le déraillement de son peuple. Résister à la tentation d'intervenir avant l'heure n'est jamais mentionné parmi les épreuves du Christ. Pas plus que l'héroïsme requis pour la garde d'un secret.
Et ici, cela dura 30 ans. En vérité, à Nazareth déjà, Jésus vainquait, le démon. Cependant pour parachever la victoire, d'autres combats suivront, combats qui ne regarderont plus le moment de la Rédemption mais ses modalités, plus le " quand " mais le " comment. " Mais ici ce n'est plus mystère car l'Evangile témoigne. Jésus sortira la tête haute des trois tentations du désert. C'est qu'il s'était entraîné ailleurs et avant (2). Notes:
(1) Cet article qui ne traite directement que de Jésus vaut aussi, mutatis mutandis, pour Marie et Joseph.
(2) Et d'abord entraîné dans sa vie trinitaire! Essayons d'imaginer les " tentations " - Je veux dire la patience! - du Dieu éternel devant tant de bêtises qui seraient dites à son sujet et tant de crimes perpétrés en son nom ! Sans compter la négation de son existence elle-même !
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A la découverte d'un prince discret (P. Francis VOLLE C.P.C.R.)
Editions Joyeuse Lumière, 21 bis rue Dareau, 75014 Paris, Tel. 01 45 81 08 73
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